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    Ras Tagarit est un village Imragen dans la partie Nord du Parc du Banc d'Arguin. Lors de mon premier passage en Mauritanie je n'avais pas été jusque là, faute de temps sans doute. A l'époque la capitale économique du pays, Nouadhibou n'était pas reliée à sa capitale administrative par une quelqueconque route. Il était donc difficile d'accéder au parc, situé à mi-chemin entre les deux villes.

    Aujourd'hui une route goudronnée les relie, elle traverse le désert, parfois droite comme un jet de pierre, parfois passant sur des dunes comme s'il s'agissait de montagnes russes. La route contourne le Banc d'Arguin et, finalement, il n'est toujours accessible qu'en véhicule 4 x 4, mais les distances à parcourir hors piste sont maintenant plus faibles.

    A Ras Tagarit les Imragen ont monté une série de tentes traditionnelles, des khaïma, sur un arc de plage immédiatement au nord du cap. D'infréquents touristes s'y arrêtent, s'installent et dans la journée une personne du village passe prendre le coût de la location. C'est ce que nous faisons. Autour de nous des tentes vides et, près du cap lui même un groupe de russes en week-end et un mauritanien avec son chien. Les russes passent leur temps à la pointe du cap, ils pêchent.

    Il n'y a pas de commerces à Ras Tagarit, nous avons emmené de quoi manger, et de quoi boire, le village est approvisionné en eau par voie terrestre, comme nombreux autres villages de cette côte aride.

    Je m'affaire ce matin-là à la cuisine. Pour que le feu prenne je l'allume dans un trou, la côte est normalement ventée et la khaïma ne protège pas assez notre modeste cuisine de la brise. Le feu prend et je mets à frire des filets de lieu dans de l'huile d'olive, mais la brise forcit doucement et une fine lame de sable court sur le sol, les grains les plus légers passant même le rebord de la casserole, et je commence à penser que mes filets seront croustillants...

    A l'horizon la couleur du ciel a changé, elle est maintenant d'un jaune lourd comme accroché au sol, menaçant, sans que les couleurs soient les mêmes cela me fait penser au front d'orage tropical que j'avais appris à reconnaître au Nicaragua, fronts qui disaient : « vous avez 5 minutes avant le déluge... ». Quel déluge ici, au bord maritime du Sahara ?

    Le vent forcit, la lame de sable grossit, il faut reprendre la cuisine côté mer, puisque le vent vient maintenant de la terre.

    Nous ramassons la casserole, la couvrant d'un tissu : il y a de plus en plus de sable en suspension dans l'air.

    Il faut contourner la tente.

    A mi-chemin, le vent est soudain là dans toute sa force, l'air est envahit de sable et la tente voisine à notre gauche est d'un coup fauchée !

    Des pans de notre khaïma sont arrachés du sol, ils claquent comme des drapeaux et nous sentons que sous peu elle aussi sera au sol.

    A chacun son coin de tente dans un air saturé de sable, de bruit et de vent. Nous sommes isolés malgré le peu de mètres qui nous séparent. Plongés seuls dans nos pensées...

    Faut-il abandonner cette résistance dérisoire ?

    Faut-il se précipiter dans le 4 x 4 et attendre que la catastrophe ait lieu, s'imaginer fouiller dans le décombres du campement à la recherche d'un vêtement, d'un appareil photo, d'un livre ?

    Nous nous bagarrons pourtant, nous essayons de consolider les pans encore présents, respirant le sable comme s'il s'agissait d'air. Mes jambes tendues pour arquer mon corps contre tel pan de tente, sont peu à peu couvertes de fines. Des objets familiers jetés au sol se perdent sous le sable.

    Le temps s'étend, se prolonge, se fige.

    Puis le vent s'arrête et le calme revient.

    Nous avons l'impression de sortir d'un cauchemar, à l'extérieur le soleil réapparaît, de la dizaine de tentes que comptait le campement il n'en reste que trois debout.

    Nous nous regardons : nous portons tous des masques de sable, des croûtes autour des yeux, des oreilles, de la bouche... Surpris que tout cela soit passé, et malgré le fait que notre tente ai tenu, nous fouillons du regard l'étendue de sable à la recherche d'un foulard, d'une tongue, voire d'une chaise disparue.

    Et dans leur casserole, les filets de lieu se sont noyés dans leur désert...



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  • C'est une histoire plus modeste que laisse croire son titre.

    Cela c'est passé l'été dernier, dans un petit village de la forêt équatoriale au Sud du Cameroun. Comme souvent en terre étrangère on en vient à parler de nourriture et les protéines dans ce coin du monde proviennent essentiellement de la chasse (et nous croisons dans nos cheminements d'étranges pièges). Les plats que l'on nous propose sont exotiques pour nos goûts, de la « viande de brousse ». Voilà que l'on nous demande, comme souvent aussi, pour tester la limite de l'européen échoué là, si nous voulons manger de la vipère. Pourquoi pas ? Certains entre nous acquiescent.

    Les jours passent et nous pensons que la vipère, disparue des conversations, a aussi disparue de l'assiette.

    Mais c'est que la vipère est un animal dangereux et que l'on ne peut pas juste le manger comme cela, comme n'importe quel hérisson ou ragondin... Mangée ainsi elle rend malade, les cheveux tombent, l'urticaire naît et se propage sur le corps. C'est donc une mauvaise idée. Pour manger de cet animal il faut être initié, et c'est l'initiateur qu'ils cherchent.

    Voilà le jour de la fête de l'eau arrivé. Notre partenaire local l'organise tous les ans. La vipère a été chassée, elle a été cuisinée, elle attend dans son enveloppe de feuille de banane.

    L'initiateur est un petit fonctionnaire à la retraite, il a quitté la vie trépidante de Yaoundé pour revenir vivre tranquille dans un petit village non loin du lieu de la fête. Il est venu habillé pour elle : il représente la délégation de son village. Le voilà à la tête de la table sur laquelle est l'enveloppe de feuille de banane qui vient d'être ouverte, la vipère est cuite dans son jus, cela ressemble à la cage thoracique d'un poulet mutant...

    Et la cérémonie commence, notre initiateur nous parle des dangers de la vipère mangée sans précautions. Elle peut-être mangée par les initiés et on est initié en mangeant de un morceau de vipère qu'un initié à déjà goutté accompagnant cela de banane plantain ou de manioc.

    Il prend un morceau de vipère dans sa main droite et un morceau de banane plantain dans sa main gauche et nous initie, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.



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  • J'en étais là : un auteur (An-Nawawi), une thème (le droit), une date de copie (1862). Je ne savais cependant ni où, ni par qui avait été copié ce texte.


    J'aurais pu le montrer à l'épicier qui vit un peu plus haut dans ma rue. Un autre érudit de quartier, il y a quelque temps encore quelques unes des étagères de son boui-boui croulaient sous les livres, des livres en arabe, des livres en français. Il me semble y avoir aperçu un Cioran et peut-être un ou deux ouvrages de sciences politiques... Il a depuis fait le ménage et ses livres sont sans doute retournés chez lui. Quoi qu'il en soit, je ne l'ai pas fait, et c'est une piste qu'il me reste à explorer.


    Nous programmions des vacances en Mauritanie et presque à la dernière minute, pensant aux bibliothèques de Chinguetti et de Ouadane je me suis dis que dans ce pays-là, sans doute, je trouverais d'autres pistes et j'ai ajouté le livre à mes bagages.


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  • Ayant la flemme de chercher les quelques feuilles de papier à lettre qui traînent au font de mon sac j'ai arraché ces feuilles d'un cahier présent à la case de passage Caritas.

    L'avion est sorti des nuages rougeâtres et soudain sur la gauche : la côte. Le désert coupé par une mer métalique, non pas comme en Bretagne mais plus dense.

    On ne comprend notre première vue de Nouakchott que plus tard. Comment ? Cette tâche grise sur le fond ocre du désert est une ville ? D'abord seules les installations portuaires modernes laissent croire qu'une ville pourrait être présente, là, entre les dunes et la mer. L'avion s'approche de la piste, la tâche grise devient myriade de petites maisons de cette couleur éparpillées sans aucun plan, quelques villas carrées de couleurs plus légères structurent quand même quelques quartiers.

    Des vieux avions russes, un char beige caché derrière une dune, des personnages curieux en habits traditionnels : l'aéroport est surprenant.

    Des avenues larges et des bâtiments ne dépassant pas les trois étages forment le centre de cette ville de 700 000 habitants. On voit passer quelques ânes tirant des charrettes aujourd'hui vides. Des camionnettes utilitaires Mercedes retaillées au chalumeau (des ouvertures ont été pratiquées sur les flancs de ces véhicules, elles sont parfois grillagées) peintes en jaune et vert circulent : ce sont les bus, d'étranges paniers à salade...

    La ville est construite sur du sable, là ou les routes ne sont pas goudronnées, le désert est présent. Le soir un vent marin rafraîchit l'air et l'odeur de la mer envahit la ville.

    On traverse Nouakchott de nuit, peu d'éclairage public, des personnages déambulent, ils semblent flotter dans leurs boubous clairs. Ils glissent d'un lieu à l'autre : encore des fantômes.



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