• Phnom Penh a changé, ce qui était frémissement il y a trois ans - le désir de modernité de la capitale cambodgienne - émerge et plutôt que de suivre sa propre voie, dans la continuité de la cohérence traditionnelle de son urbanisme, elle semble partie pour copier ses grandes sœurs du Sud-Est asiatique : Bangkok ou Saigon. Des grattes ciels poussent, encore peu nombreux, mais les mises en chantiers se multiplient et présagent d'une ligne d'horizon verticalisée... Déjà quelques perspectives sont troublées par l'apparition de barres d'immeubles telles qu'on les voit en Chine.

    Dans les rues les deux roues se sont multipliés également et le chaos routier commence à prendre des proportions vietnamiennes : un lent et périlleux ballet d'engins motorisés. Mon motodop se glisse dans ce chaos en direction du marché russe et ses allées pour le touriste que je suis ce week-end : je rentre lundi, je dois faire le plein de cadeaux.

    Le marché reste égal à lui-même - en trois ans il n'a pas beaucoup changé (si je me souvenais mieux de ma première visite en 1998 je pourrais décrire son évolution, mais il ne me reste de ce temps-là que la chaleur et l'image de tas de kramah que l'on achetait pour pas grand-chose). Voilà le pourtour de bijouteries chinoises, les magasins de vraies ou fausses antiquités (où la cire noire fait office de patine pour les objets en bois...), les magasins spécialisés dans la soie... Puis on pénètre dans le bâtiment : par exemple entre un vendeur de matériel scolaire et un autre de prêt à porter. L'intérieur est un capharnaüm vaguement organisé par guildes - tout un bloc est réservé aux touristes et ils y trouveront peintures kitsch, de nouveau diverses espèces d'antiquités, des bijoux et pierres précieuses, du textile, des objets en fibre végétale, de la poterie... Ce bloc laisse place à la partie plus khmère du marché : le matériel de bureau, la peinture, la quincaillerie, les légumes. Tout cela organisé autour d'un vaste espace de restauration ou assise sur de minuscules tabourets en plastique une foule bruyante mange dans le va et vient des serveuses. On se demande alors, perdu dans le dédale comment tout cela rentre dans l'espace qui de l'extérieur semblait dédié au marché - on se croirait dans le Tardis du Dr Who ou dans un marché qui existerait dans plusieurs dimensions. Et au fond du fond, les pièces détachés de moto - elles s'amoncellent au sol, pendent du plafond, le profane est incapable de les identifier. Il y aurait ici de quoi fabriquer encore une flotte de motodop. Cette partie est ma préférée, il me vient un sourire à m'y balader, seul barang. La lumière du jour arrive tenue et chaleureuse des plafonniers et fait briller d'un éclat mat toutes ces pièces métalliques. Elle tombe sur un chat endormi au milieu du passage et sur les pieds nus et sales d'un préposé qui se repose.

    A bien y penser peut-être le marché est-il au final organisé comme une église orthodoxe, le chœur, le saint des saints étant ce secteur des pièces détachées de moto... Ici donc, dans cette partie inchangée, belle et incongrue de la ville reposerait le cœur vivant de Phnom Penh.

     


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