• Plus je voyage plus les entrelacs improbables de l’histoire me frappent.

    J’étais en Guyane Française pour le travail, ce surréel morceau de France tropicale. La forêt omniprésente venant couvrir de moisi les panneaux signalétiques si typiques de notre pays, le soleil puissant en écaillant la peinture.

    On m’avait demandé d’appuyer mes collègues urbanistes sur de la conception de réseau pour la réhabilitation d’un quartier d’habitat spontané : c’est-à-dire un  quartier  que des gens venus d’ailleurs avaient construit eux-mêmes. Des quartiers de maisons en bois au toit en tôle, des quartiers me faisant penser aux villages nicaraguayens dans lesquels j’avais travaillé dans la région de Matagalpa (car au final, n’en déplaise à certains, la Guyane Française est bien en Amérique Latine).

    Ces quartiers sont habités par des bushinengé – descendants du marronnage, vivant depuis longtemps avant le bagne sur les deux rives du Maroni. Certains sont nés du bon côté du fleuve, d’autres du mauvais, mais comment ce fleuve peut devenir frontière, lui qui est voie, lien, porte d’entrée à la forêt ?

    Leurs ancêtres provenant de divers parties d’Afrique, les langues des bushinengé sont des créoles, toutes contiennent une part importante de mots d’anglais car ce sont des colons anglais qui ont les premiers occupé la côte du Surinam et ce sont ces plantations que les premiers marrons ont fui.

    Le saramaca est l’une de ces langues, à la différence des autres langues bushinengé elle comprendrait une part importante de mots portugais – le résidu de maîtres lusophones…

    Et l’improbable est là : ces maîtres lusophones auraient été des séfarades fuyant le Brésil.

    (En tirant le fil du créole d’un peuple marron vivant sur les bords du Maroni on retrouve l’expulsion des juifs du Portugal en 1496 et les tribulations qui les menèrent d’abord aux Pays-Bas puis au Brésil où la première Synagogue des Amériques ouvre en 1636.)


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique