• L'arrivée à Bishkek (automne 2002)


    A l'arrivée à l'aéroport Manas, Sacha, un grand russe aux yeux tristes, m'attend, il tient entre ses mains un écriteau avec mon nom. Il ressemble un peu au Nino de Corto Maltese en Sibérie, il sent la cigarette et peut être un peu la vodka.

    Sur la route qui lie Manas à Bishkek, sur ce dernier tronçon de plaine kazakhe dans une Volkswagen bringuebalante nous parlons un allemand cassé malhabile. Il a été trafiquant de bagnoles dans le passé, allant jusqu'en Allemagne y chercher des véhicules à vendre ici.

    Gabriel et Billur, mes hôtes dans cette ville, habitent un faux HLM déglingué, un dallage inégal, gris intégral. Sur le terre-plein entre les tours gisent des jeux de gamin brisés entre des flaques d'eau venues de je ne sais où. C'étaient, paraît-il, des logements de standing, avant la Chute... Alors que des gens riches habitent ces immeubles la cage d'escalier est aussi défoncée que celle de n'importe qu'elle cité malfamée de nos banlieues. La chose publique n'est à personne, sombre résultat d'une société qui se voulait collectiviste.

    Après m'être reposé un peu (mon avion a atterri à 5 h 30) nous partons à la recherche d'un petit déjeuner. Les rues sont larges, elles étaient vides ce matin, elles se remplissent un peu d'un mélange de voitures russes, allemandes et japonaises (certaines gardant encore la conduite à droite). Un trolley bus traîne ses savates dans l'avenue centrale et les camionnettes Mercedes du secteur privé lui font concurrence... Nous passons devant le palais présidentiel : un ignoble bunker d'un blanc sale qui doit être du marbre, avant d'arriver à un restau-cantine qui fait des petits-déj anglais, drôle de monde...

    Au coin des rues, parfois, par groupes de trois ou quatre des hommes accroupis causent : c'est quand même l'Asie. Les visages ronds, les yeux bridés, des joues rougies par l'air du large... Quelque fois, la personne accroupie est russe : un blond aux yeux bleus, un mégot de cigarette coincé au bec regarde passer le monde. Parfois apparaît un bonhomme avec un haut chapeau en feutre blanc liseré de noir. Peut être des gens venus de la campagne.

    C'est Sacha qui me raccompagne à l'aéroport pour que je prenne mon vol pour Osh, la deuxième ville du pays. Sur le chemin nous en arrivons en baragouin à parler de l'armée, les militaires américains sont à Bishkek, une base aérienne est installée pour le moment à l'aéroport Manas. Sacha mime ce que je ne peux que qualifier d'une sodomie administrée par les américains aux afghans. Il avait 21 ans en 1979, il a fait son service militaire dans les paras en Afghanistan : son regard sur la guerre passée doit être bien différent du mien...



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