• Je déjeunais hier avec des amis et quelqu’un a évoqué l’élection présidentielle malgache et ses 49 candidats. C’est le sujet de nombreuses conversations dans Tana ces jours-ci. Entre nous une personne précise qu’il y a même un candidat maître de kung fu… Cela m’a fait penser à l’histoire des émeutes du kung fu à l’époque du Ratsiraka « socialiste ». C’est une histoire digne de cinéma que j’avais déjà voulu raconter ici.

    Au début des années 80 le régime socialiste de Ratsiraka organise une partie de la jeunesse de la capitale en groupes « révolutionnaires » les Tanora Tonga Saina (TTS, ou Jeunes conscientisés). Les TTS sont des instruments du pouvoir, ils se criminalisent et rackettent les commerces de la capitale.

    Depuis déjà longtemps le kung fu est enseigné à Madagascar où le mélange de mysticisme, discipline et sport séduit. L’école Wisa, fondée en 1980 est dirigée par Pierre Mizael Rakotoarijaona (dit Pierre Be ou Pierre le Grand), elle rassemble de très nombreux adeptes et pendant l’été de 1984 décide de stopper les agissements des TTS et de protéger les quartiers où elle est présente. Un collègue ex-Wisa me raconte cela en me disant que les habitants proches du marché Pochard où les TTS s’étaient installés avaient demandé de l’aide aux élèves du Wisa.

    Dès septembre 1984 des affrontements éclatent entre les adeptes Wisa et des TTS. Cela fâche Ratsiraka et il déclare l’état d’urgence et interdit l’enseignement du kung fu. Cela ne calme pas la violence mais au contraire l’intensifie et des émeutes éclatent. Les Wisa attaquent le marché Pochard le 4 décembre 1984 et expulsent les TTS du lieu (comme dans un film d’arts martiaux, les élèves descendent de leur dojo et virent les brigands du marché). A partir de là les affrontements vont inclure l’armée et la garde présidentielle.

    Finalement, en août 1985, des parachutistes de Diégo et des blindés d’Arivonimamo attaquent le dojo du Wisa : l’arme lourde contre les arts martiaux… Le grand-maître est tué dans les combats (mais certains adeptes aujourd’hui disent qu’il n’est pas mort mais caché et qu’il resurgira quand Madagascar aura besoin de lui). De nombreux Wisa sont emprisonnés et les émeutes prennent fin.

    C’est l’un de ces Wisa emprisonnés qui se présente aux présidentielles cette année, sous la bannière du parti Madagascar peut, Madagasikara Afaka.

    Un article sur le sujet est disponible ici : http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/086068.pdf


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    Je viens d’arriver au Niaouly. C’est un dimanche. Après m’être posé quelques minutes dans ma chambre troglodyte je remonte dans la salle restaurant de l’hôtel.

    La gérante et un autre membre du personnel de l’hôtel regardent un film ou une série sur l’écran plat. C’est une émission mal doublée en français. Les personnages à l’écran pourraient être malgaches : ils ont la peau brune et les traits asiatiques, les hommes portent des espèces de stetson que l’on voit parfois les malgaches porter sur les côtes. Le paysage, un foisonnement tropical, pourrait rappeler la côte est de la Grande Île.

    Pourtant un personnage a noué autour de son cou ce qui ressemble fort à un kramah et la fille du trio porte une jupe droite plus indochinoise qu’autre chose. Ils marchent dans la jungle et s’approchent d’un temple en ruine, clairement de style angkorien.

    Voici le trio de personnages assis comme pour prier devant une statue du Bouddha. Soudain une main sort des ruines – elle brûle au soleil comme s’il s’agissait de la main d’un vampire – les personnages reculent mais ne prennent pas la fuite…

    Est-ce une série ou un film cambodgien ? Le doublage en français laisse supposer que cela pourrait venir de l’ancienne sphère coloniale française… mais pour quel marché ? L’Afrique de l’Ouest ne s’y reconnaîtrait pas, alors pour le marché malgache ?

    Je finis persuadé que c’est un film khmer fantastique que ces malgaches regardent, du genre avec effets spéciaux bidouille que j’ai vu parfois à Phnom Penh. Ces liens inattendus tissent une mondialisation différente, peut être moins effrayante, le futur n’a pas fini de nous surprendre !

    PS : l'affiche n'est pas celle du film qui était projeté, mais celle d'un film fantastique cambodgien…


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  • Cette année mon travail m'a permis de retourner à Madagascar trois fois (en avril, en juillet et dernièrement en octobre). Je retourne toujours avec autant de plaisir dans ce pays avec l'étrange impression de retrouver la maison alors que je n'y ai passé que trois ans.

    Ce n'est pas le sujet de ce billet… Le sujet c'est cette ambassade sur la route circulaire et son drapeau. Elle est logée dans un immeuble plutôt moche de trois ou quatre étages encastré entre ses semblables. Ce n'est par sur des chemins que j'emprunte le plus souvent, pourtant je suis passé devant au moins en juillet et en octobre – sans penser prendre les deux photos qui auraient pu illustrer cet article.

    Il s'agit de l'ambassade de Lybie – on peut d'ailleurs s'étonner que ce pays ait choisi d'avoir une représentation diplomatique sur l'île – date-t-elle de l'époque Ratsiraka comme celle d'Algérie ou la feu ambassade de Yougoslavie ? En tout cas, lors de mon premier passage le drapeau au-dessus de l'entrée étriquée était vert, et sans doute, une photo du guide ornait le panneau d'affichage à gauche de la guérite du gardien. La Lybie était déjà en guerre, clivé, la fin la plus probable du conflit la chute de Khaddafi tant le rapport de forces lui était défavorable. Pourtant l'ambassadeur de la Jamhuriyah restait fidèle à un régime bringuebalant.

    En octobre le tricolore vert-rouge-noir avait remplacé l'étendard vert. Le CNT avait-il remplacé sa mission diplomatique ? L'ambassadeur en place avait-il renié ses anciennes allégeances ?

    Je me demande comment le personnel de l'ambassade a vécu l'année. A l'écart de la guerre, loin de la répression pesant peut-être sur leurs proches restés là-bas, ses allégeances hésitantes…

    La vie de cette ambassade du drapeau vert au drapeau tricolore – le Printemps Arabe par le petit bout de lorgnette ?


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    Encore un billet sans illustration : si la nuit n'était pas encore tombée elle n'était pas loin et, sur le retour de Morafeno Ouest, nous roulions vite – je n'ai eu de la scène qu'une vision fugace, presque insaisissable.

    Ce jour-là, un jeudi, est jour de marché à Morafeno et peut être encore ailleurs sur la route d'Antsirabe à Miandrivazo. Les commerçants arrivent, pour les plus modestes dans des taxi-brousse surchargés et pour ceux ayant quelques moyens dans des camions qu'ils ont affrétés. Était-ce un de ces camions sur le retour ? C'est probable. En tout cas, il était garé sur le côté gauche de la route dans un petit village dont je n'ai pas retenu le nom si c'est que je l'ai un jour connu (c'est une route que j'ai beaucoup pris depuis 2008). Alors que nous traversions le hameau deux garçons d'environ huit ans l'ont traversé la route dangereusement, se tenant par la main. Ils avaient l'air excités et l'un clairement menait le jeu : il signalait du doigt quelque chose dans le camion.

    Dans la fraction de seconde que j'ai eu pour voir mon regard a suivi ce doigt pour découvrir assise sur le sommet d'un tas (de caisses de bière ?) une surprenante Vénus de Milo : un mannequin femme en plastique rose au quel il manquait la tête et un bras... est-ce cette nudité artificielle qui attire les enfants ? Ses seins de PVC ? Son aspect incongru juché là ? 


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  • Déjà en 2008 un pont symbolisait pour moi une transition, marquait une étape. 2011 aussi sera cela et c'est donc encore un pont.

    C'est un retour en région parisienne, le début d'une vie différente dont je ne mesure pas encore l'ampleur de la différence… Madagascar s'éloigne un peu de ma vie sans la quitter. J'y retournerais !

    Quoi qu'il en soit – je vous souhaite une très belle année…

     


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