• Tempête de sable sur Ras Tagarit (septembre 2006)

     

    Ras Tagarit est un village Imragen dans la partie Nord du Parc du Banc d'Arguin. Lors de mon premier passage en Mauritanie je n'avais pas été jusque là, faute de temps sans doute. A l'époque la capitale économique du pays, Nouadhibou n'était pas reliée à sa capitale administrative par une quelqueconque route. Il était donc difficile d'accéder au parc, situé à mi-chemin entre les deux villes.

    Aujourd'hui une route goudronnée les relie, elle traverse le désert, parfois droite comme un jet de pierre, parfois passant sur des dunes comme s'il s'agissait de montagnes russes. La route contourne le Banc d'Arguin et, finalement, il n'est toujours accessible qu'en véhicule 4 x 4, mais les distances à parcourir hors piste sont maintenant plus faibles.

    A Ras Tagarit les Imragen ont monté une série de tentes traditionnelles, des khaïma, sur un arc de plage immédiatement au nord du cap. D'infréquents touristes s'y arrêtent, s'installent et dans la journée une personne du village passe prendre le coût de la location. C'est ce que nous faisons. Autour de nous des tentes vides et, près du cap lui même un groupe de russes en week-end et un mauritanien avec son chien. Les russes passent leur temps à la pointe du cap, ils pêchent.

    Il n'y a pas de commerces à Ras Tagarit, nous avons emmené de quoi manger, et de quoi boire, le village est approvisionné en eau par voie terrestre, comme nombreux autres villages de cette côte aride.

    Je m'affaire ce matin-là à la cuisine. Pour que le feu prenne je l'allume dans un trou, la côte est normalement ventée et la khaïma ne protège pas assez notre modeste cuisine de la brise. Le feu prend et je mets à frire des filets de lieu dans de l'huile d'olive, mais la brise forcit doucement et une fine lame de sable court sur le sol, les grains les plus légers passant même le rebord de la casserole, et je commence à penser que mes filets seront croustillants...

    A l'horizon la couleur du ciel a changé, elle est maintenant d'un jaune lourd comme accroché au sol, menaçant, sans que les couleurs soient les mêmes cela me fait penser au front d'orage tropical que j'avais appris à reconnaître au Nicaragua, fronts qui disaient : « vous avez 5 minutes avant le déluge... ». Quel déluge ici, au bord maritime du Sahara ?

    Le vent forcit, la lame de sable grossit, il faut reprendre la cuisine côté mer, puisque le vent vient maintenant de la terre.

    Nous ramassons la casserole, la couvrant d'un tissu : il y a de plus en plus de sable en suspension dans l'air.

    Il faut contourner la tente.

    A mi-chemin, le vent est soudain là dans toute sa force, l'air est envahit de sable et la tente voisine à notre gauche est d'un coup fauchée !

    Des pans de notre khaïma sont arrachés du sol, ils claquent comme des drapeaux et nous sentons que sous peu elle aussi sera au sol.

    A chacun son coin de tente dans un air saturé de sable, de bruit et de vent. Nous sommes isolés malgré le peu de mètres qui nous séparent. Plongés seuls dans nos pensées...

    Faut-il abandonner cette résistance dérisoire ?

    Faut-il se précipiter dans le 4 x 4 et attendre que la catastrophe ait lieu, s'imaginer fouiller dans le décombres du campement à la recherche d'un vêtement, d'un appareil photo, d'un livre ?

    Nous nous bagarrons pourtant, nous essayons de consolider les pans encore présents, respirant le sable comme s'il s'agissait d'air. Mes jambes tendues pour arquer mon corps contre tel pan de tente, sont peu à peu couvertes de fines. Des objets familiers jetés au sol se perdent sous le sable.

    Le temps s'étend, se prolonge, se fige.

    Puis le vent s'arrête et le calme revient.

    Nous avons l'impression de sortir d'un cauchemar, à l'extérieur le soleil réapparaît, de la dizaine de tentes que comptait le campement il n'en reste que trois debout.

    Nous nous regardons : nous portons tous des masques de sable, des croûtes autour des yeux, des oreilles, de la bouche... Surpris que tout cela soit passé, et malgré le fait que notre tente ai tenu, nous fouillons du regard l'étendue de sable à la recherche d'un foulard, d'une tongue, voire d'une chaise disparue.

    Et dans leur casserole, les filets de lieu se sont noyés dans leur désert...



  • Commentaires

    1
    Mazeo Profil de Mazeo
    Vendredi 30 Mars 2007 à 20:07
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