• Au pays du mora mora


    On le voit sur les t-shirts, on l'entend de la voix des touristes qui pensent avoir compris le pays, on le lit dans certains guides et on l'entend même de certains malgaches quand ils cherchent a excuser une déconvenue jouant sur l'étrange connivence de « l'évolué » vis à vis de l'ex-colonisateur : Madagascar serait le pays du mora mora - de la lenteur, de la paresse.

    Mora mora cette vieille femme qui tôt le matin va chercher ses vingt litres d'eau à la borne-fontaine et qu'elle hisse péniblement sur sa tête pour les ramener chez elle ?

    Mora mora ces hommes comme transformés en animaux de bât tirant la charrette à bras chargée de bois le long de la côte qui grimpe vers le rond point Météo ? Ou ceux qui chargent un camion en un incessant va et vient de porteurs, chacun une tour de briques sur la tête ?

    Mora mora cette ligne de paysannes jusqu'aux genoux dans la rizière, pliées en deux la journée durant à repiquer le riz ? Et celles-ci, plus tard, dans la même rizière filtrant l'eau dans de grands paniers pour prendre quelques menus poissons qui agrémenteront les repas ?

    Mora mora le chauffeur de taxi-brousse agrippé à son volant sous la radio tonitruante et sur une route longue d'heures et encore d'heures presque sans un arrêt ? Mora mora le mécano s'acharnant encore et encore avec des outils rafistolés et de mauvaises pièces à faire reprendre vie à la vieille 404 bâchée ? Mora mora les ouvriers servant sans protection la presse qui fait sortir les carreaux de terre cuite qui décoreront de belles maisons ?

    Et sur la côte est que ce vieux vasaha à l'accent parigot, accoudé au zinc d'un bar de Mahanoro, plein de son café du commerce, décrivait comme un espèce de pays de cocagne ou tout pousse et ou « il n'y a qu'a cueillir les fruits »... tout pousse, oui, même les mauvaises herbes coriaces, les champignons, la moisissure pas noble, les parasites, la cochenille sur les arbres fruitiers - mora mora chaque jour au pays de cocagne, une lutte contre la luxuriance de la végétation.

    Parce où que j'aille nulle part je ne vois ce mora mora. Pour les petites gens pas de repos, chaque jour sa peine pour vivre encore un jour et faire vivre les siens un jour encore.

     


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  • Commentaires

    1
    Samedi 14 Août 2010 à 18:01
    bien observé
    c'est là un lieu commun, autrefois, même en France, les pauvres étaient considérés comme des "paresseux" une manière de vouloir justifier l'argent des égoistes et les structures économiques et politiques qui les accompagnent, dire qu'ils ont atteint l'aisance parce qu'ils travaillent et que ceux-là n'ont rien parce qu'ils ne font rien et cette rumeur est si forte que le regard s'aveugle, efface les scènes que tu décris
    2
    Samedi 6 Novembre 2010 à 13:04
    Yes!
    Tout est dit...
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