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    Les rapports sociaux ont été épargnés de l'engouement pour le moderne. C'est bien dommage, car des rapports de type féodal sont courants. Tout est hiérarchisé et les sourires polis, les phrases d'usage etc. prennent bientôt l'allure d'un masque, parfois d'un outil de domination. Un vieux con avec lequel nous bouffons joue de son rang, il est paternaliste et méprisant (sans en avoir l'air). Il s'entête à vouloir me bourrer la gueule, le repas est une perpétuelle guerre des volontés...

    La jeunesse est prise d'une frénésie de consommation, y croyant voire une façon de se constituer en tant qu'individus, mais reste soumise a ces règles de conduite d'une époque révolue.

    Les jeunes qui se rebellent semblent persuadés que la rébellion ce sont les sports extrêmes, les cheveux rouges et les vacances en Thaïlande. Peut être qu'une infime minorité de ces "freeters" (de "free arbeiter") se radicaliseront.

    Le machisme est omniprésent mais dans une forme plus douce qu'au Nicaragua.

    Bien des femmes pensent s'épanouir en consommant librement. Elles se donnent des airs de vamps mais ne posent pas le problème du machisme comme un problème de société. Les femmes mariés travaillent rarement, les hommes sont cadres, les femmes office ladies au salaire inférieur (en France c'est pareil, mais au moins ça gueule !). C'est cela le plus pernicieux, montrer son désaccord c'est perdre la face, peu de personnes le font.

    Sur un pont à Harajuku des minettes déguisées en fantasme prennent la pose pour des salary men juste sortis du boulot (c'est l'infirmière, la poupée, la jeune mariée, la collégienne, et la vampire)...



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  • Il faut chercher la beauté dans les interstices, dans l'inattendu, dans un petit salon de thé dans une ruelle de Harajuku, dans un chat sous la pluie entre des fleurs dans le jardin Sankei En de Yokohama. Ou dans une petite bonne femme en kimono qui traverse la rue avec les salary men en costard, une moine qui mendie devant un centre commercial, un sumotori en habit traditionnel qui attend le métro. Des jeunes à la tronche alterno lâchent de la menue monnaie devant un temple, se tapent deux fois dans les mains et prient...

    Les temples sont tous beaux, a la fois imposants et légers. Leurs entrées, les toori, sont comme des idéogrammes enracinés dans la terre, la pureté de leurs lignés exprime le sacré. Dans un monastère zen les étudiants font la queue pour tirer leurs longs arcs asymétriques. La lenteur et la sûreté de leurs mouvements est pleine de paix.

    Le Japon qui attire l'intellectuel occidental et le Japon moderne semblent venus de dimensions différentes qui seulement par hasard occupent le même territoire. C'est une superposition de deux mondes unis par de frêles passerelles.

    (la photo est de Mirlimi et a été prise lors d'un voyage ultérieur - en 2005)

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  • J'ai visité Bratislava en juillet 1992, et cette ville reste pour moi encore aujourd'hui synonyme de laideur. La vieille ville est coupée en deux par une énorme bretelle d'autoroute, son château fort exilé comme une île de l'autre coté de la voie. La vue depuis l'esplanade est sur une mer d'HLM qui s'étend a l'infini sur l'autre bord du Danube. L'étendue de boîtes d'allumettes gris béton équilibrées sur leur tranche avait quelque chose d'effrayant.

    La laideur de Tokyo, surprenante, rappelle la mythique capitale slovaque, d'où ce titre improbable. Comme dans les mangas modernes c'est un enchevêtrement non planifié de bâtiments de toute taille, partout j'ai l'impression d'être en banlieue, d'être dans une immense ville nouvelle, une infinie périphérie sans centre. Une série sinistre d'HLM se suit A 1, A 2, A 3 ainsi jusqu'à A 40. C'est ici, aux confins de l'Asie, que le socialisme réel survit, le bateau amiral du capitalisme est bien plus proche que ne le croit des anciennes démocraties populaires d'Europe Orientale, d'où encore le titre. Le Père n'est pas l'Etat, c'est l'Entreprise mais le résultat est le même.

    C'est sûr, tout cela s'explique un peu par l'histoire : la ville à subie tremblements de terre et bombardements au phosphore, ça laisse des traces. Mais je pense aussi que les japonais sont dans un étrange trip absolument moderne et tout à fait traditionnel : ils font table rase du passé.

    Il faut chercher la beauté dans les interstices, dans l'inattendu, dans un petit salon de thé dans une ruelle de Harajuku, dans un chat sous la pluie entre des fleurs du jardin Sankei En de Yokohama. Ou dans une petite bonne femme en kimono qui traverse la rue avec les salary men en costard, une moine qui mendie devant un centre commercial, un sumotori en habit traditionnel qui attend le métro. Des jeunes à la tronche alterno lâchent de la menue monnaie devant un temple, se tapent deux fois dans les mains et prient...



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