• La ville vit encore - dans l'oeil du cyclone ?


    Certes, Betsarety est plus passant à neuf heures que je ne l'ai jamais vu, mais le petit marché bat son plein et des tananariviens font leurs courses, peut-être inquiets d'être dans l'œil trompeur du cyclone. Un type passe avec un sac plastique rempli de riz, une femme transporte un tas de baguettes de pain - ce pain aérien qui était venu à manquer - et devant chaque borne-fontaine que je croise une queue de seaux attend d'être replie.

    Je suis sorti pour essayer de trouver une machine à sous qui accepte ma carte de bleue (histoire de remplumer mon porte-feuille vide). Je traverse la ville vivante, peut-être un peu au ralenti, mais chacun vaque a ses occupations, parfois incongrues - comme ce gars transportant sur son dos un caddy de supermarché sans roues... C'est la petite ville qui vit, dans le centre, les magasins bourgeois sont tous fermés, certains mêmes barricadés, des rouleaux de fil-rasoir déroulés à la hâte sur des portails verrouillées.

    Aux habituels dazibao des groupes de gens lisent la presse écrite qui continue de paraître et sur les trottoirs j'ai le sentiment qu'en grappes ils commentent les nouvelles.

    Ce sont les routes qui semblent les plus vides, les véhicules sont peu nombreux et le trafic - qui sans cela est toujours visqueux et lent - est aujourd'hui fluide et je file, sans avoir a pester contre le taxi be lent et fumeux qui aurait pu me précéder. J'y prends goût, et c'est pourquoi je suis surpris en quittant l'avenue de l'Indépendance (au bout, à la gare de Soarano quelques militaires montent la garde) de tomber sur un embouteillage à l'entrée de Behoririka... Je m'aperçois rapidement que l'accès à ce quartier chinois est fermé - c'est vrai que le pillage a été particulièrement sévère dans ce coin - une barricade en bambou condamne la rue et un taxi la barre.

    Je me retrouve à midi dans un restaurant de la place avec des amis et chacun y va de son répertoire de rumeurs que nous nous empressons de récolter. L'ambiance est étrange, autour de nous, d'autres expatriés échafaudent des hypothèses ou dégainent des téléphones ou s'expliquent encore une fois le déroulement des évènements...

    On sent le travail loin, on se sent pris par l'histoire - même si celle-ci manque de souffle. On est dans les interstices, on s'imagine le temps suspendu, peut-être parce que tout est incertain... Et dans ce restaurant d'expatriés la parole fuse, l'inquiétude des jours d'avant momentanément remise au placard. Pourtant il faut retourner au taf, reprendre le fil de ce début d'année, imaginer de quoi demain sera fait - parce qu'il faudra bien, alors aussi, faire vivre ce que nous faisons.



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