• Les voiles


    Nous étions à Ampangorina, sur la pointe nord de Nosy Komba peut-être un peu déçus par cette série de bungalows en matière végétale attendant le touriste que semble être devenu le village, par les couloirs de nappes brodés - belles mais encore comme transformant un lieu de vie en un marché artisanal, sans doute déçus par ces débarquements périodiques de groupes italiens ou français dans leurs hors-bords rapides (trois d'un coup, les voilà qui foncent vers la plage, leur cargaison de voyageurs engoncés dans des gilets de sauvetage orange fluo). Nous nous demandions, comment à l'heure à laquelle nous étions arrivés là après une traversée de l'île à pied nous allions pouvoir rejoindre Hellville. Les pirogues collectives partent surtout le matin et nous étions arrivés en début d'après-midi.

    Des groupes de jeunes jouaient au cartes sous le large parasol d'un grand arbre, les commentaires fusaient, les cartes suivaient. Ils se sont levés pour aller déplacer la grande pirogue sakalava à balancier qui gisait sur le sable pas loin de leur aire de jeu. Sous les encouragements ils l'ont déplacé par petits bonds jusqu'à la mer. Là, une fois dans son élément la pirogue devenait légère, maniable et un seul homme la menait par la bride comme s'il avait amené un cheval à l'abreuvoir.

    Ils étaient en train de préparer cette pirogue pour un voyage spécial : un mariage devait se tenir alors sur Nosy Be impliquant des familles de Nosy Komba et un groupe important attentaient qu'elle soit prête pour rejoindre la fête.

    Nous nous sommes donc greffés à ce voyage, ravis de l'occasion. Les voyageurs reflétaient d'une certaine manière les transformations en cours dans la société : devant nous sur la belle proue de la pirogue un jeune homme et une jeune femme portaient des habits moulants couverts de pubs et de paillettes, lui les fausses lunettes de star lui cachant la vue, ils avaient tous les attributs d'une jeunesse branchée ; derrière nous une femme plus âgée portait, elle, un lamba coloré , la coiffure élaborée de sakalava et les dessins fleuris blancs que les femmes du nord-est se mettent encore parfois sur le visage pour se protéger du soleil. Le moteur a démarré et appuyée sur son balancier la pirogue s'est élancée vers Nosy Be. Pendant la traversée des chants montaient des passagers, des cris d'allégresse et les deux jeunes regardaient défiler le paysage lui derrière ses lunettes mode, elle un sourire blasé aux lèvres.

    A l'approche du port de Helleville la mer s'est couverte d'une moisson de voiles : voiles carrées des pirogues, voiles latines des boutres, voile triangulaire d'un voilier européen parfois égarée entre elles - un ballet de pêcheurs, de caboteurs, marins tous. Quelle élégance que ces voiles comme suspendues au-dessus de l'eau - allant, venant !

    Et la nostalgie de la mer me saisit et je me dis qu'un jour il faudra bien que je navigue à nouveau...

    Pourquoi pas ici ?



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