• Momostenango, Totonicapan et les alentours du Lac Atitlan (lettre du 8 janvier 2002)

     

    Depuis mon dernier message, écrit à Xela sur les hauts plateaux du Guatemala, des longs kilomètres sont passés pour que nous arrivions à Chetumal sur le bord de la mer caraïbe. Cela me rend un peu difficile le compte rendu, je suis sur que trop de choses belles ou cocasses seront oubliées et que de toutes façon ce message sera encore trop long...

    Si je n'ai pas écrit depuis si longtemps cela est essentiellement à cause du coût prohibitif du courriel au Belize.

    De Xela nous sommes montés à Momostenango, village célèbre pour son travail de la laine. Une foire y terminait, les stands de jeux (tir à la carabine à air comprime, baby-foot et jeux d'arcade japonais remaniés tout cela sous des bâches en plastique) et de nourriture (frites grasses et poulet) attendaient leurs derniers clients. La foire avait fait quelques dégâts dans la communauté locale, des hommes fins bourrés gisaient sur le trottoir et une vieille femme en habit traditionnel interpellait les passants en Quiche. Au milieu de tout ce foutoir, le grand et imposant bâtiment municipal en jaune canari sur la place principale donnait au village un air de lieu ayant été important, en pleine décadence. L'hôtel quasiment vide ou nous avons logés semblait géré par un trio de gamins. Ambiance étrange...

    De là, en voyageant entre les éternels pins des hauts plateaux nous sommes allés à Totonicapan. C'est là qu'est né et que s'est battu Athanase Tzul, en 1820 il a mené une insurrection de paysans maya contre la domination espagnole, l'indépendance du Guatemala et des autres républiques centre américaines est venu un an après. Aujourd'hui il est considéré comme l'un de pères de la patrie et une statue de lui aux airs realsoc trône sur la place centrale de la ville. Cependant, son peuple reste de seconde zone dans ce pays, et il est mis en avant comme pour mieux faire oublier la réalité.

    La nuit venue, entre pétards et bougies, une crèche est transportée par des gamins à travers les rues, la procession est menée par d'autres gamins jouant du tambour sur des carapaces de tortues : c'est la posada, une représentation de Jésus et Marie cherchant refuge.

    Image surréaliste : le lavoir publique de Totonicapan semble inspire de l'oracle de Delphes, tout en colonnes grecques. Un groupe de jeunes femmes en huipil et corte font leur linge.

    Apres cela nous arrivons à Solola, le lieu où nous voulions aller lors de notre départ de Ciudad Guatemala... La ville est encore organisée en échiquier autour d'une place en pleine reconstruction. Les habitants sont des Kaqchiquel, leurs habits sont encore différents : le huipil porte de courtes et étroites manches et un col, il est a dominance rouge, le corte est noir avec une croix brodée de couleurs vives sur le devant. Les hommes portent des pantalons bariolés sur les quels ils attachent, à la manière d'un kilt, une couverture marron avec de points blancs en laine drue. Leurs chemises, aussi bariolées que leurs pantalons, sont brodées en blanc avec des motifs qui ressemblent, de loin, a ceux des chemises de cow-boy. En fait, les motifs représentent une chauve-souris, blason des Kaqchiquel.

    De Solola, on aperçoit deux des volcans qui surplombent le lac Atitlan. La vue est magnifique, deux cônes presque parfais se superposent et se reflètent dans la petite portion du lac que nous apercevons.

    Jour de marche à Solola : une cohue de personnes et de couleurs, ne pas avoir peur de jouer des coudes, même s'il y a des grands-mères ou des femmes portant leurs gamins, cela semble être la consigne. On y vend de tout, depuis des fausses montres japonaises fabriquées en République Populaire de Chine, jusqu'à de la sciure colorée pour faire des crèches. Des gens de plusieurs villages sont venus, chacun avec son traje (entre autres : des gars se baladent en kilt marron avec des chemises rouges aux cols brodes, ils portent ce qui ressemble a des chaussures de croquet; des femmes en tons bleus portent dans leurs tresses de longs tissus bleu et argent). Une flopée de touristes allemands débarquent d'un bus couchettes invraisemblable et s'enfoncent dans le marché, eux aussi ils portent un traje : veste safari, sandales birkenstock...

    Image d'un Guatemala inattendu : une femme Quiche range son téléphone portable Nokia dans son cabas et le couvre d'une écharpe colorée...

    Nous descendons sur le lac, je m'attendais au pire, mais c'est encore pire. Panajachel est un futur Marbella, que des restaurants et des hotels pour touristes, que de l'artisanat reconnu pour touristes (par exemple des coupes de pantalons pour femme à la mode faits dans des cortes de Chajul...). Déjà quelques hôteliers fous se sont permis de construire en hauteur et une ignoble tour blanche insulte le paysage. Nous partons aussi vite que nous sommes arrivés.

    San Pedro est déjà moins touristique, mais encore bien plus que tout le reste, ici l'ambiance est back-pack et ce sont des touristes jeunes (beaucoup d'entre eux ici pour apprendre l'espagnol - entre des mayas tzutuhil ?). Dans l'hôtel ou nous résidons il y a plusieurs japonais, un etatsunien parano et anarcoide vert (traduction libre de "green anarchist"), un couple d'hollandais très hollandais, deux belizéens...

    Nous voyageons autour du lac (je répète, le paysage est magnifique malgré le surpeuplement touristique). Comme les Alpujarras, trop beau pour être complètement inconnu...

    Santiago est en voie de devenir Panajachel, sur le bord du lac, cela l'est déjà, en s'en éloignant on arrive à rencontrer des gens du coin : encore quelques femmes aux turbans complexes en rouge, comme des galettes sur la tête, les hommes en shorts blancs, le plus riches avec des broderies d'oiseaux. Mais le tourisme a crée une bourgeoisie là ou il n'y avait qu'une noblesse "symbolique". Les liens de solidarité traditionnels se brisent. C'est la communauté maya ou j'ai vu le plus de mendiants âgés.

    San Marcos est le repère des riches babas, ici tout est guru méditation, sectes, mensonges et vidéo. Les riches babas ont achètes les bonnes terres agricoles proches du lac et y ont construit leurs somptueuses baraques entre la verdure. Sur le bord de lac ils se baignent à poil sans trop penser à l'immense pudicité des peuples à qui ils ont acheté les terres...

    San Juan, San Pablo, Santa Catarina et San Antonio sont encore épargnés et de petits gamins sortent des maisons en adobe lancer un "hola", si on y répond tous les gamins du quartier essayent. A San Pablo pendant que les mères font des balles en crochet pour vendre au marché, des gamines en corte et huipil jouent au basket : le basket féminin fait fureur tout autour du lac.

    Nous passons Noël à San Pedro, les japonais font la bouffe, c'est un bon moment entre des compagnons de route éphémères et amicaux.



  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :