• Il y a presque sept ans une amie venait me rendre visite au fin fond du Nicaragua où je travaillais. Nous nous connaissions depuis le milieu des années 90 et nous avions traîné dans les mêmes cercles politiques. Après une relation épistolaire longue, voilà qu'elle décidait de profiter de ma présence en Amérique Centrale pour visiter au moins le grand petit pays dans le quel je me trouvais.

    Ce fût le début d'une histoire.

    Nous nous sommes vus par intermittence un moment et elle est revenue pour que nous lancions dans le voyage mésoaméricain qui ouvre les pages de ce blog.

    L'histoire c'est enracinée dans Paris, elle a vécu, comme de nombreuses histoires, des hauts et des bas. Elle a connu ses moments de doute, de peur, d'incompréhension mais aussi de magie, d'émerveillement, de simple tendresse partagée. Elle a payé son tribut au quotidien. Peut être était-elle bancale dès le début ? Je m'efforçais, nous nous efforcions, à la faire vivre, à la faire grandir. Elle portait quelques germes de son futur que nous n'évoquions sans doute pas assez pour en être réellement conscients.

    Cette histoire-là est morte hier : l'Amie m'a quitté, elle ne trouvait plus en elle d'amour pour moi.

    Il n'y a rien à dire, rien à faire, l'argument est imparable et aucun effort ne pourra faire naître a nouveau ce qui n'est plus.

    Ce matin je me lève avec le vide dans le ventre et le futur soudain couvert d'une brume opaque...


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  • C'est une histoire parisienne, il faut aussi que je parle de cette ville dans laquelle je vis quand je ne suis pas sur les routes. Elle a ses recoins et ses surprises.

    La scène se passe dans un troquet du 18e arrondissement. C'est un bar tenu par des kabyles, un de ces bars pour habitués devant lesquels on passe sans généralement s'y arrêter. Sans cet ami anglais qui nous y a donné rendez-vous nous n'y serions sans doute jamais entré. C'est un endroit, comme il y en a quelques uns aujourd'hui, où l'on peut manger un couscous gratuit le vendredi soir.

    On sent le bar pour habitués en mutation : une exposition de belles photos assez abstraites entoure les portraits habituels de l'antique royauté berbère ; deux sièges en rotin encadrent une table basse (l'un d'entre eux est tout droit sorti d'Emmanuelle). Comme si l'on cherchait a rendre le lieu plus attrayant.

    Nous nous installons, buvons nos bières en conversant sur des choses et d'autres, espérant que le couscous gratuit arrivera. Les clients ne sont pas nombreux, à les voir on se demande s'il s'agit de clients ou plutôt de famille ou d'amis du patron. Ils s'installent à une table ronde et le cuistot sert des assiettes de haricots blancs et un plat de pieds de veau. Nous sommes invités à les joindre, il n'y aura pas de couscous ce soir.

    Et ceci n'est que préambule, car le repas finissant, le barman se lève de table se rend à la porte. Un petit enfant asiatique traverse en courant comme il peut (car il est bien petit) le passage piéton et se jette dans les bras du kabyle. Sa mère suit d'un peu plus loin. Voilà le gamin assis sur le bar, puis se baladant entre les tables, passant derrière le zinc, posant son regard curieux sur les convives. Le voilà assis sur les genoux du barman, confiant et tranquille. Ce môme et sa famille passent par là, souvent et tous le connaissent depuis qu'il est encore plus petit.

    Le père arrive, un chinois jeune, en débardeur, jean remonté sur les chevilles, tongues, mordant une cigarette qu'il fume les yeux mis fermés. La mère est debout, le père assis sur l'un des fauteuils en rotin, ils regardent leur enfant assis à une tablée de kabyles qui cherchent à le faire sourire. Une conversation impossible se noue entre la tablée et la petite famille chinoise, pas encore francophone...

    C'est'l'Paris.

    Celui qui existe encore, une croisée de mondes, le lent tissage des solidarités, un gamin chinois sur les genoux d'un barman kabyle...



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    La péniche arrive alors que la journée finit. Elle vient de Bukavu ou de Goma, sans doute plutôt de Goma, je crois me souvenir qu'elle arrivait du nord...

    Le vieux moteur diesel tourne au ralenti alors que l'équipage s'apprête a arrimer le rafiot au petit ponton en bois. La foule qui est réunie attend-elle quelqu'un ? Un VIP ne voyagerait pas dans un tel bateau, j'ai vu un autre jour un puissant hors-bord passer au large : c'est cela leur mode de déplacement habituel. Alors peut-être que cette foule est simplement là pour accueillir famille, amis, peut-être qu'il s'agit de clients des marchants qui apportent quelque nouveauté de la ville, ou alors de curieux, venus voir qui arrivait et ce qu'ils amenaient.

    De leurs misérables cases en adobe couvertes de chaume les hommes de la Marine nationale regardent arriver les voyageurs. Leur chef, je ne me souviens plus de son grade, je l'ai pourtant rencontré, est déjà sur le ponton : c'est le comité d'accueil. Sent-il encore l'alcool artisanal, comme lorsqu'il nous avait accueilli, nous ? Les passagers s'attendent, résignés, aux « tracasseries » d'usage, mais sans solde il faut bien vivre...



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  • J'ai visité Bratislava en juillet 1992, et cette ville reste pour moi encore aujourd'hui synonyme de laideur. La vieille ville est coupée en deux par une énorme bretelle d'autoroute, son château fort exilé comme une île de l'autre coté de la voie. La vue depuis l'esplanade est sur une mer d'HLM qui s'étend a l'infini sur l'autre bord du Danube. L'étendue de boîtes d'allumettes gris béton équilibrées sur leur tranche avait quelque chose d'effrayant.

    La laideur de Tokyo, surprenante, rappelle la mythique capitale slovaque, d'où ce titre improbable. Comme dans les mangas modernes c'est un enchevêtrement non planifié de bâtiments de toute taille, partout j'ai l'impression d'être en banlieue, d'être dans une immense ville nouvelle, une infinie périphérie sans centre. Une série sinistre d'HLM se suit A 1, A 2, A 3 ainsi jusqu'à A 40. C'est ici, aux confins de l'Asie, que le socialisme réel survit, le bateau amiral du capitalisme est bien plus proche que ne le croit des anciennes démocraties populaires d'Europe Orientale, d'où encore le titre. Le Père n'est pas l'Etat, c'est l'Entreprise mais le résultat est le même.

    C'est sûr, tout cela s'explique un peu par l'histoire : la ville à subie tremblements de terre et bombardements au phosphore, ça laisse des traces. Mais je pense aussi que les japonais sont dans un étrange trip absolument moderne et tout à fait traditionnel : ils font table rase du passé.

    Il faut chercher la beauté dans les interstices, dans l'inattendu, dans un petit salon de thé dans une ruelle de Harajuku, dans un chat sous la pluie entre des fleurs du jardin Sankei En de Yokohama. Ou dans une petite bonne femme en kimono qui traverse la rue avec les salary men en costard, une moine qui mendie devant un centre commercial, un sumotori en habit traditionnel qui attend le métro. Des jeunes à la tronche alterno lâchent de la menue monnaie devant un temple, se tapent deux fois dans les mains et prient...



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  • Quatre murs vert pistache, des bacs rouges longeant chaque mur et devant chaque banc, encore un autre banc de la même couleur. Dans un coin une petite télévision dans une boîte en fer blanc. Les convives tapissent les bancs, l'air déjà un peu joyeux et devant chaque convive un petit verre. La tenancière va et vient avec des bouteilles de liquides tantôt clairs, tantôt teints. Elle est souriante en tout moment et remplit chaque ver de nouveau à chaque rasade bue.

    L'areke, distillat de la fermentation d'une céréale, est un alcool fort. Pour le goût divers plantes y sont mélangées et les bouteilles le long de l'étagère sont de miel, coso (il paraît que c'est un déparasitant efficace) ou d'ail...

    Ato Dereje pendant ce temps s'appuie amicalement sur mon épaule ou me tapote la jambe, me prend par le genou, tout en me racontant l'agriculture éthiopienne (il a été agronome avant que de travailler pour la mairie), la cérémonie du café (que nous pourrons voir d'ici peu) et le petit déjeuner qui nous attendra ici même le lendemain matin (un truc de viandard, puisque qu'une coopérative de consommateurs se partagera la viande d'une vache encore à abattre).

    La photo est de Philippe.



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