• Depuis mon dernier message des kilomètres ont passé, j'écris depuis le seul cybercafé que nous avons trouve en état de marche dans la ville caribéenne de Tela sur la cote nord du Honduras.

    Apres juste une semaine sur Rio Blanco de boulot plutôt intense avec le chef venu de Californie, nous sommes repassés à Matagalpa. Cette ville reste tranquille et agréable entre ses montagnes. Nous avons fait le tour des ami-e-s et des lieux de la place, avant le départ vers le nord.

    Ocotal : ville coloniale où on ne l'attendais pas. Derrière la grande route vers la frontière avec le Honduras : l'échiquier de rues, la place couverte de plantes tropicales, une vielle église (XVIIe ?), une foule de bâtiments aux murs épais tournés vers leurs patios plus que vers la rue. Devant la maison de campagne du FSLN, ravagée par les pierres lancées par les militants libéraux lors de leur victoire, une banderole proclame : " qui sont les terroristes ?".

    De Ocotal vers Tegucigalpa et dans la plus grande partie du Honduras que nous avons connu, les paysages changent et devienne méconnaissables pour ceux qui viennent du Nicaragua. Les montagnes se sèchent, se couvrent de pins, la route étroite borde des torrents agressifs remplis de grosses pierres : visions de la Sierra Nevada, c'est bien pour cela que les espagnols s'y sont senti bien. La seule végétation tropicale autre que le café apparaît dans le fond vallées.

    Apres une série de magnifiques paysages de montagne, de vallées s'ouvrant sous nos yeux et de précipices inquiétants, c'est Tegucigalpa qui apparaît. Rome mutante sur sept collines, ville Espagnole subvertie par la modernité et étouffée par le nombre de ses voitures, c'est une bien étrange apparition. Une sorte de Matagalpa trop vite grandie, le même bassin en montagne, les mêmes favelas précaires accrochées sur les fortes pentes entourant la ville. Dans la trame urbaine coloniale aux rues trop étroites de belles maisons anciennes aux fers forgés peints de couleurs pastel alternent avec des immeubles récents plutôt laids. Dans les deux rues piétonnes de la ville chaque pouce occupable est occupé par des marchants ambulants (ils semblent organisés en association ou en syndicat a en croire les chemises que plusieurs d'entre eux portent).

    Les miradors aux quatre coins du bâtiment de l'état major sont loquaces sur le passe agité de ce pays, République Bananière par excellence.

    Nous avons visité la très belle maison d'un ex-président du pays en haut d'une colline surplombant le chaos urbain de Tegus. On croyait y trouver un musée d'histoire et d'anthropologie, nous y avons trouve le musée de la République. Peut être la pièce la plus intéressante du musée est la lettre simple et poétique que Sandino avait envoyé en 1929 au Président du Honduras pour lui demander un appui dans sa lutte pour expulser les Nord Américains d'Amérique Centrale. La lettre est accompagnée d'une feuille des jungles des Segovies dûment tamponnée, pièce centrale de la métaphore filée que Sandino tisse dans sa lettre.

    Signes des échanges Sud - Sud : sur la place centrale devant la cathédrale un petit gars maigre et moustachu cause avec deux vendeuses de camelotte ambulantes, il porte un T-shirt noir dont le dos a deux lignes de caractères amhariques, le T-shirt porte la mention "Ethiopian Human Rights Council" sur le devant...

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  • Tout d'abord un rectificatif, je suis allé au Centre de documentation sur la Cote Atlantique creuser un peu le voyage des Garifuna jusqu'ici. Bien que leur fuite du Honduras vers le Belize a eu lieu dans les années 1830, l'arrivée de ce peuple au Nicaragua est plutôt due à une migration économique vers 1880 (dans des Kyat boat malgré tout, petits voiliers en bois avec une grande voile trapézoïdale). Toute la population Garifuna du Nica descend de 16 familles installées sur des terres données par le Roi Miskito a cette époque.

    Nous sommes donc partis de Bluefields dans un petit bimoteur. Le temps était maussade, malgré cela de l'hublot nous avons vu passer la bande de mangrove qui sépare la baie de Bluefields de la mer et au-delà, d'un bleu variable, la mer des caraïbes et une immense plage vide s'étirant du nord au sud. Corn Island à l'arrivé semble une petite île couverte de jungle, puis on distingue des maisons parsemées, deux petits ports et la piste d'atterrissage qui couvre un tiers de la longueur du lieu.

    L'ouragan Michelle a laissée une onde tropicale sur toute la région. Dans la RAAN (région autonome de l'Atlantique nord) les dégâts sont grands, Puerto Cabezas est inondé, l'aide alimentaire y est emmenée par avion. Ici dans la RAAS, la pluie n'a pas la même intensité, mais elle ne s'arrête guère plus longtemps que deux heures.

    Nous avons donc passés cinq jours Bretons, nous baladant sous les nuages, sur la plage, cherchant coquillages, graines étranges et bouts de corail. Parfois quand le temps s'améliore, la beauté de la mer est époustouflante : taches de bleu turquoise virant de plus en plus sombre vers l'horizon.

    Mais ce n'est pas la Bretagne, les cocotiers et les oiseaux marins qui suivent de vieux bateaux de pêche nous le rappellent. Les tortues vertes qui attendent d'être charcutées les quatre palmes en l'air (ainsi elles se conservent longtemps sans réfrigération...) dans l'étal en zinc rouillé d'un boucher de bord de plage aurait peut être préféré que cela soit la Bretagne. Enfin, tant que la viande de poulet ne sera pas moins chère que celle de tortue, les tortues seront mangées.

    Corn Island change, futur paradis tropical, des investisseurs étrangers y ont mis leur oeil. Un des hôtels les plus chers de l'île est tenu par un étrange québécois ex-routard. Une allemande et son mari guatémaltèque louent une maison meublée aux touristes, ont un magasin de plongée et un d'artisanat (guatémaltèque). Un gars des US a investi 100 000 dollars en une école de plongée dernier cri sur Little Corn Island, les clients pouvant y arriver sans voire autre chose du Nicaragua que l'aéroport de Managua...

    Mais l'île ne vit pas encore du tourisme, c'est encore un port de pécheurs, un lieu cosmopolite, un repère de pirates, de bandits, de contrebandiers (la Colombie n'est pas loin, 100 Km au plus, sur les îles San Andres et Providence). Il y a des bordels et des drogués, le crack, déchet de la "bonne" cocaïne qui part vers les US, fait des ravages chez les jeunes. L'un d'entre eux, petit gars maigrichon habillé en vert nous suit pendant notre séjour, me fixant de ses yeux de vides.

    Le temps ne s'améliorant pas nous avons quitté Corn Island sans même passer par Little Corn Island et son récif corallien, nous en verrons un peut être au Belize ou au Honduras. Nous sommes arrivés ici hier dans un avion encore plus petit que celui que nous avions pris pour y aller. Un beau voyage un peu secoué sur un bout de caraïbes.



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  • Il pleut une belle pluie tropicale sur Bluefields, ce mois de novembre fait planer un air froid au-dessus de nous, étrangement je me ballade en pull dans les rues de cette ville des caraïbes.

    Je voulais écrire ces lignes plus tôt, mais j'ai pensé, sur le coup, que je n'avais pas assez a écrire, maintenant j'en ai trop...

    Cela fait maintenant dix jours que nous avons quitté Matagalpa. La liste des lieux que nous avons visité laisse entrevoir la diversité de ce pays : Juigalpa, Rama, Bluefields, Pearl Lagoon, Raitipuri, Awas, Haulover, Orinoco et Marshall Point.

    Le trajet jusqu'ici est long et difficile, nous l'avons fait en étapes. Route tranquille jusqu'a Juigalpa, nous traînons dans les rues d'une ville provinciale, je bois du tiste (étrange breuvage donc il est dit que seuls les Nicas apprécient) sur la place devant la cubique cathédrale, gueule d'entrepôt, qui la domine. De la rue nous regardons les stèles chorotegues entreposées dans le musée fermé. Quelques unes sont magnifiques, simples et filiformes. Un espace est vide, un carton peint remplace la Chinita de Chontales qui doit siéger actuellement au Musée du Louvre là-bas, de l'autre cote... Le soir tombé, devant d'effrayantes trombes d'eau, un jeune gars bourré qui a passé trop de temps dans le nord s'entête a me parler un mélange franco-anglais incompréhensible : ou la la, Moulin Rouge !

    Le voyage à Rama est terrible, un voyage en bus sur la surface de la lune, les cratères abondent, pas moyen de les éviter. Rompus nous nous traînons dans les rues de Rama, port fluvial sous la pluie, rues de boue mal éclairées, entrepôts aux signes chinois. Déjà l´architecture de quelques bâtiments en bois bien joint fait penser a l'encore lointaine cote Atlantique.

    La panga est le moyen de transport de personnes le plus utile a partir de Rama. C'est un long canot en fibre de verre motorisé par un gros hors-bord. Sur une série de bancs s'asseyent les passagers, les bagages en tas sur la proue.

    Nous prenons notre première panga sous une légère bruine, un ciel épais. Le véhicule flotte sur une eau de couleur terreuse tirant sur le vert. Couleur qui ne nous quittera pas mais dont les nuances peuvent osciller au grès des masses d'eau traversées.

    Sur le fleuve (el Rio Escondido) la bruine continue, nous nous couvrons d'un plastique noir, standard practice. La panga fonce entre des rives couvertes d'arbres, ne croisant sur sa route qu'panga remontant, deux ou trois rafiots en bois aux équipiers somnolant dans leurs hamacs et quelques pipantes (canoës faites d'un arbre creusé) longeant la rive à la pagaie.

    L'approche de Bluefields est annoncée par des cadavres de bateaux de pêche, rouillant dans les méandres du fleuve. Le port de panga de la ville est entouré de telles épaves. La ville semble de loin être un amas de bâtiment serrés sur le flanc d'une colline. En face la baie de Bluefields pleine d'îlots couvert de mangrove, la mer est invisible et l'eau et de la même couleur que le fleuve que nous venons de quitter.

    Bluefields est cosmopolite, ici se croisent tous les peuples du Nicaragua : Mestizos du Pacifique, Créoles amenés là par les anglais, Miskitos, Ramas et Mayagnas, anciens propriétaires de ces terres, sans doute aussi, mais c'est difficile de les repérer, quelques Garifunas descendus d'Orinoco ou de La Fe. Par exemple, dans un café ce matin trois tables étaient occupées, trois langues différentes parlées (espagnol, anglais créole et une langue indigène que je ne pouvais pas identifier).

    L'architecture est bien différente, ici ce sont les caraïbes et les anglais ont longtemps été présents, ce qui domine encore ce sont les constructions au style anglais tropical. Des maisons en bois peintes de tons pastel, souvent avec un large porche couvert. Certains quartiers touchés trop fort par Joan en 1986 ou par la misère courante ressemblent à un Mississippi de bluesman.

    Le premier soir sur la place une foule suit la répétition d'un groupe de danse Palo de Mayo, les tambours de guerre européens font sonner des rythmes africains et une danse anglaise traditionnelle a depuis longtemps été subvertie par l'Afrique et les tropiques. Les mouvements ne sont pas sages, et les tambours sont trop syncopés !

    Deux jours après notre arrivée nous repartons vers Pearl Lagoon. Levés de bon matin nous attendons des heures au port que la panga se remplisse. Départ ! Bientôt la panga file dans un étroit couloir tapissé de palétuviers. Apres Kukra Hill la rivière s'élargit et nous arrivons dans la Lagune des Perles. Un arrêt à Haulover et nous arrivons à Pearl Lagoon, un village Créole de 2 ou 3 mil personnes. La population est presque entièrement d'origine africaine et l'anglais est la seule langue parlée. Plus de rancheras, ici le reggae et la soka dominent. Dans les rues en sable des vaches et des chevaux se baladent. Au coin du bâtiment Enitel un vieux canon en bronze témoigne de batailles oubliées (celles de la guerre civile sont, elles, encore bien fraîches dans la mémoire).

    Nous coulons quelques jours tranquilles dans le B et B de Miss Arlene. Le genre de Mister Wesley nous dit que les jeunes créoles veulent raviver leur culture en renforçant l'usage du créole au détriment de l'anglais et même en relançant le cricket pour contrer le baseball omniprésent...

    Les gens de Pearl Lagoon sont relativement prospères, en tout cas en comparaison avec les créoles de Haulover ou les miskitos de Raitipura, village post-Joan de maisons en bois et tôle déjà pourrie. En fait, outre la pêche dans la lagune et un peu d'agriculture, les gens vivent de l'émigration et éventuellement, pour certains, de trafics plus louches.

    Selon les habitants l'ouragan Michelle "aspire" le vent et les nuages. Au lieu de la catastrophe qui s'est abattue sur Cuba nous avons eu un temps clair accompagné d'une chaleur étouffante. De quoi rester allongé a l'ombre des heures durant.

    Deux véhicules uniquement tournent sur le village, un vieux taxi Was défoncé et un pick-up Toyota Land Cruiser qui sert à décharger les péniches et petits cargos qui arrivent jusque là (pas de routes pour arriver dans ces contrées).

    Le chemin qui mène à Raitipura puis à Awas est une piste de sable compactée qui traverse un marécage. Aux points ou l'eau affleure en suffisante quantité des enfants se baignent et des femmes lavent le linge. Un héron debout au loin regarde toute l'affaire d'un air tranquille d'habitué. Un instant l'illusion est totale, rien nous empêcherait de nous penser dans le delta intérieur du Niger, ou sur un marécage au bord du Sénégal...

    Sur la lagune, des pirogues, certaines filant au vent avec des belles voiles triangulaires comme celles des Vezo (en fait, de plus près ces voiles s'avèrent être faites de sacs plastique...). Des pélicans volent en formation serrée a ras de l'eau, quelques "magnificent frigate birds" aux formes élancées cherchent du butin a pirater entre les autres oiseaux de mer ici présents.

    Nouveau départ, cette fois vers Orinoco, Nous attendons presque toute une journée l'arrivée de Potosh, l'unique panguero à faire le voyage. Mais l'ouragan est passé, le temps empire et le vent s'est levé. La traversée de la lagune est mouvementée, la panga fait des bonds sur les vagues et nous passons un bon moment agrippé aux bancs.

    Orinoco est un village de 1500 habitants plus ou moins au nord de la lagune. De loin quelques maisons se distinguent derrière une file d'abris pour pirogue. Les maisons sont serrées de petits chemins en beton assurent que le passant ne se mouillera pas les pieds s'il pleut.

    A Orinoco on parle anglais, les gens sont d'origine africaine cependant ils n'ont jamais été esclaves. Ce sont des Garifuna. En 1631 un vaisseau transportant des africains vers le nouveau monde a fait naufrage sur l'île de Saint Vincent. Les survivants ont pu s'évader vers l'intérieur de l'île rencontrant là-bas les derniers Caribs habitants originels des Antilles. Entre résistants les solidarités se nouent et un peuple métis est né. Au 18eme l´île passe sous contrôle britannique et la lutte s'enclenche. En 1797 suite à la défaite des Garifuna par les anglais ils sont déportés sur Roatan au Honduras. Mais trente ans plus tard la répression britannique sur une insurrection Garifuna cause la diaspora vers le Belize et le Nicaragua. Selon Miss Rebecca la propriétaire de l'hospedage où nous logeons ils seraient venus dans des Kyat Boats ou un Kyat Boat, bateaux à voile dont le nom même évoque un mystère.

    Depuis sept ans la communauté vit un renouveau culturel. Des Garifunas du Belize sont venus donner des cours de langue Garifuna (a priori une langue amérindienne avec des mots d'espagnol et de français). Depuis sept ans la communauté Garifuna a recommencé à célébrer son arrivée ici. Le festival est le 17 novembre nous irons peut être y faire un tour.

    Les jeunes de la communauté répètent déjà leurs danses et leurs rythmes. Si la langue est Carib, les danses et les rythmes sont africains. Ils utilisent trois tambours de taille différente qui se parlent, un coquillage marin comme instrument à vent et une carapace de tordue (ces deux derniers des apports indigènes sans doute). Les musiciens et les danseurs chantent et contre chantent. Nous regardons la répét fascinés entre une foule de gamins qui crient, tapent des mains et essayent de se lancer sur la piste ou leurs grands frères et grandes soeurs dansent déjà.

    Les jeunes sont pris par le renouveau culturel, et le village malgré son apparente banalité a une identité unique.

    Que dire du retour sur Bluefields ce matin ? Un voyage secoué par le vent sous la pluie. Nous sommes arrivés mouillés et fatigués.

    Demain nous prenons l'avion pour Corn Island...

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  • Entre octobre 2001 et février 2002 j'ai traversé la mésoamérique du Nicaragua au Mexique. J'ai gardé de cette époque des lettres, des photos, des choses qui trainent dans mes affaires depuis.

    Malgré qu'il soit daté, ce voyage peut encore intéresser quelques lecteurs !

    Je vais donc publier dans les semaines à venir des fragments de ce voyage.


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