• Voici Robinson et Maillol (prénommé d'après un prédicateur évangélique) qui jouent dans la cour de leur maisonnette. Chacun a sa voiture, une coccinelle en plastique chinoise pour Robinson, une deux-pattes en bois malgache pour Maillol.

    Tout à l'heure, pendant que ses sœurs décortiquent le riz au pilon, ou vont chercher de l'eau à la source proche, Maillol ira couper du bois pour le feu dans la petite parcelle que sa famille défriche à coté de la maison.

    La maison, c'est un minuscule logement pour ouvriers forestiers construit à l'époque coloniale. Elle fait partie d'une série identique de cinq ou six maisons au bord de la réserve forestière de Majakatompo. C'est une petite pièce avec deux lits et une cuisine lilliputienne. Le plafond et les murs sont couverts de suie - la cheminée prévue lors de la construction semble ne plus fonctionner et la cuisine est au bois. Quelques posters électoraux du régime décorent la pièce et un système ingénieux de rideaux permet au parents de trouver un peu d'intimité.

    Nous avons déboulé dans cette famille, à la recherche d'un lieu où dormir au retour de notre ascension du Tsiafajavona - le troisième sommet de Madagascar. Et la famille a insisté pour que nous dormions dans le grand lit pendant que la mère et les enfants dormaient sur l'autre lit et que le père gardait un entrepôt voisin.

    Nous avons ainsi pu partager brièvement une vie modeste : quelques poulets, un petit cochon, une plantation de patates douces, une rizière, sans doute quelque part, d'où venait le riz rouge des trois repas quotidiens (seul dans le bol)...

    Une famille rurale et pauvre qui pourtant donnait l'impression de construire une vie, d'aller vers l'avant, de prendre pied dans le flot plutôt que de se laisser emporter.

    C'est ainsi que les hommes vivent.



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    L'Ambatofotsy de la région du Vakinankaratra est un bourg agricole qui draine une étroite et fertile vallée rizicole. Le bourg est niché dans le fond de la vallée et il semble entouré de collines dégarnies. En saison sèche il n'est pas si loin de la capitale (en deux heures et demi de piste en assez bon état on y arrive), en saison des pluies la piste doit être si mauvaise que le bourg doit être comme coupé du monde.

    Ce site a été choisi comme un site pilote de tourisme villageois par la région Auvergne. C'est vrai que la vallée est belle et qu'il y a sans doute des balades intéressantes à faire dans le secteur (voire partir à pied pour Ambatolampy - et finir après deux ou trois jours de marche par un repas d'écrevisses au Relais des pécheurs). Nous accompagnions une délégation de la région Auvergne dans ses tribulations de site pilote en site pilote. Nous devons leur faire des propositions sur l'alimentation en eau et l'assainissement de ces sites.

    Nous voilà donc tous rassemblés dans la petite mairie d'Ambatofotsy, une estrade pour les VIP et des bancs d'écolier pour les membres de l'association villageoise qui s'occupera des touristes de passage et pour nous autres accompagnateurs.

    Après les discours sans surprises des divers membres de l'estrade, un type, futur guide, la mèche blanche dans les cheveux et un tatouage 'love' sur le bras se lève. Il sort de sa poche une petite feuille (une page arrachée d'un cahier - sans doute) et la déplie. Il chausse des lunettes d'hypermétrope aux quelles il manque une branche et se met à lire son texte.

    C'est une série surréaliste de termes jargonisants, de mots clefs... ils se suivent ces mots, ces concepts tout faits, comme reliés entre eux par des articulations logiques sans qu'un sens quel qu'il soit puisse être extrait de ces phrases. C'est un exercice étonnant... J'étais tellement surpris par le flot que je n'ai rien noté de cette étrange suite de termes développementistes... Sauf la fin. Car la conclusion, elle était pleine de sens...

    Il finissait par se positionner "pour un avenir surprenant" !

    J'adhère !


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    C'est une histoire que l'on pourrait croire issue d'une quelconque publication propagandistique à la gloire d'internet... Il semblerait qu'elle soit pourtant vraie. 

    L'infernale machine sur la photo est une microcentrale hydroélectrique. Elle a été construite par un ingénieur malgache non loin de Betafo dans la région du Vakinankaratra. Elle n'est pas encore autorisé a légalement distribuer de l'électricité, elle fournit - a titre expérimental - de l'électricité à un voisin, associé de cette aventure, qui fait un peu de soudure et décortique du riz. Elle ne produit que 3 kW de puissance, mais cela peut suffire pour alimenter un gros village dans ces zones rurales.

    L'eau est prise dans un canal d'irrigation, l'un des nombreux, étagés, qui permettent d'alimenter les terrasses de riz mûrissant plus bas. Elle retourne après avoir restitué son énergie dans un autre canal, quelques « étages » plus bas.

    Rien de particulier dans tout cela... Pas mal de bricolage, un type qui paye l'installation de sa poche en se disant que les énergies renouvelables ont le vent en poupe, sans doute des choses à améliorer...

    Si ce n'est que la turbine, un turbine Banki, notre ingénieur malgache l'a construite sur la base de plans qu'il a trouvé sur internet... Et les voilà devenus réalité dans les rizières au-dessus de Betafo - Vakinankaratra.

    Quand l'information circule librement, elle surprend !



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  • Il n'y aura pas de photo pour illustrer ce billet, ce que j'y décrit se passe de nuit, et je ne le vois que depuis la vitre des taxis que j'emprunte pour rentrer chez moi.<o:p>
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    Cela se passe dans les rues proches des lieux nocturnes qui attirent des gens argentés : par exemple les rues parallèles à l'avenue de l'Indépendance, ou dans celles en bas d'Isoraka. Des les femmes de la nuit attendent le client.

    Ce sont des rues mal éclairées, voire éclairées uniquement par les phares des véhicules qui passent, ou par les néons d'une station essence. Au coin d'une rue, dans l'encoignure d'une porte, adossées au murs, des grappes de femmes attendent. Elles sont de court vêtues, tenues moulantes, mini-jupes, talons...<o:p>
    </o:p>

    Mais les nuits des hauts plateaux sont fraîches et leurs tenues aguichantes ne les protègent guère contre le froid. Alors elles ont allumé de petits feux de bric et de broc a même le trottoir – il y brûle des cartons, quelque morceau de bois, des trucs péchés dans des bacs à ordures, et les maigres flammes vacillent dans la nuit. Et autour de ces feux elles se regroupent cherchant a se réchauffer un peu.<o:p>
    </o:p>

    Et voilà l'étrange vision, surréelle et tragique : dans la lumière changeante de ces feux de fortune, des jambes nues et lisses brillent dans la nuit...


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  • Quand Gallieni marcha sur les hautes terres depuis Mahajanga en 1896 il avait dans sa troupe un albanais. Que venait-il faire là ? D'ailleurs, quelles étaient ces troupes que commandait Gallieni ? Je n'en sais rien...

    Cet homme, resta sur les hautes terres, il s'y plu et pensa à ses gens restés en Europe. Entre ceux qui virent en cette fin de XIXe siècle il y avait un jeune homme de 16 ans. Quels étaient ses espoirs ? Quelles ont été ses peines ? Par quelle série d'histoires est-il arrivé a Ambatolampy ? Je n'en sais rien...

    Aujourd'hui le portrait du jeune homme, plus vieux, chauve et moustachu, accompagné de sa femme - le portrait d'un couple de notables de province - trône sur la cheminée de la grande salle du Relais des pêcheurs. Nous sommes presque seuls dans la salle, à manger les écrevisses pour lesquelles ce lieu est célèbre - seuls excepté une tablée de sri-lankais venus acheter de l'or dans les parages...

    D'autres histoires...

    D'autres histoires, d'autres rebondissements ont mené le fils (cadet ?) a gérer aujourd'hui ce lieu un peu étrange sur la route de Antananarivo a Antsirabe. Il est déjà vieux, et vit plus probablement de sa retraite que de son relais. Sans doute a-t-il vue passer, autre fois, les riches colons en chemin pour prendre les eaux.

    Son hôtel restaurant est une machine a remonter le temps : tout respire une France des années 40 ou 50 depuis les affiches d'Air France représentant les peuples de l'Empire français, depuis l'agencement des chambres avec leurs bidets et leurs éviers massifs jusqu'au menu à rallonge avec hors d'œuvre et potage, avec plat et rôti...

    Même cette lampe et son abat jour semble vouloir nous relier à un monde qui n'est plus !



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